Grippe de 1918 / Grippe espagnole
La grippe de 1918, surnommée en France «grippe espagnole», est due à une souche spécifiquement virulente et contagieuse de grippe qui s'est répandue en pandémie de 1918 à 1919.
La grippe de 1918, surnommée en France «grippe espagnole», est due à une souche (H1N1[1][2]) spécifiquement virulente et contagieuse de grippe qui s'est répandue en pandémie de 1918 à 1919. Cette pandémie a fait 30 millions de morts selon l'Institut Pasteur, et jusqu'à 100 millions selon certaines réévaluations récentes[3]. Elle serait la pandémie la plus mortelle de l'histoire dans un laps de temps aussi court, devant les 34 millions de morts (estimation) de la Peste noire.
Son surnom «la grippe espagnole» vient du fait que seule l'Espagne — non impliquée dans la Première Guerre mondiale — a pu, en 1918, publier librement les informations relatives à cette épidémie. Les journaux français parlaient par conséquent de la «grippe espagnole» qui faisait des ravages «en Espagne» sans mentionner les cas français qui étaient tenus secrets pour ne pas faire savoir à l'ennemi que l'armée était affaiblie.
Historique
Apparemment venant de Chine, ce virus serait passé, selon des hypothèses désormais controversées, du canard au porc puis à l'Homme, ou selon une hypothèse aussi controversée directement de l'oiseau à l'Homme. Elle a gagné rapidement les États-Unis, où le virus aurait muté pour devenir plus mortel (pour ∼ 3 % des malades, contre moins de 1/1000 pour les autres épidémies de grippe, cette nouvelle souche est 30 fois plus mortelle que les grippes communes). Elle devint une «pandémie» (maladie à diffusion mondiale), quand elle passe des États-Unis à l'Europe, puis dans le monde entier par les échanges entre les métropoles européennes et leurs colonies.
Elle fit à peu près 408 000 morts en France, mais la censure de guerre en limita l'écho, les journaux annonçant une nouvelle épidémie en Espagne, pays neutre et par conséquent moins censuré, tandis que l'épidémie faisait déjà ses ravages en France. Elle se déroula principalement durant l'hiver 1918-1919, avec 1 milliard de malades, et 20 à 40 millions de morts, selon de premières estimations particulièrement imprécises faute de statistiques établies à l'époque. Au début du XXIe siècle, le maximum de la fourchette reste imprécis mais a été porté à 50-100 millions, après intégration des évaluations rétrospectives concernant les pays asiatiques, africains et sud-américains.
En quelques mois uniquement, la pandémie fit, en tous cas, plus de victimes que la Première Guerre mondiale qui se terminait cette même année 1918; certains pays seront toujours touchés en 1919.
La progression du virus fut foudroyante : des foyers d'infection furent situés dans plusieurs pays et continents à la fois en moins de 3 mois, et de part et d'autre des États-Unis en sept jours à peine. Localement, deux ou alors trois vagues se sont succédé, qui semblent liées au développement des transports par bateau et rail surtout, et surtout au transport de troupes.
Cette pandémie a fait prendre conscience de la nature mondiale de la menace épidémies et maladies, et des impératifs de l'hygiène et d'un réseau de surveillance pour y faire face. Il y a ainsi dans l'une des clauses de la charte de la SDN, la volonté de créer un Comité d'Hygiène mondial, qui deviendra finalement l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Impact médical, anomalies statistiques
Les décès furent principalement de jeunes adultes, ce qui peut surprendre : les jeunes adultes sont généralement la génération la plus résistante aux grippes. Ceci a en premier lieu été expliqué par le fait que cette tranche d'âge (surtout pour des raisons professionnelles ou de guerre) se déplace le plus ou vit dans des lieux où elle côtoie de nombreuses personnes (ateliers, casernes... ). La multiplicité des contacts accroît le risque d'être contaminé. Cette constatation a été faite par les historiens (surtout lors de l'épidémie de choléra à Liège en 1866). En fait c'est le dispositif immunitaire de cette classe d'âge qui a trop vigoureusement réagi à ce nouveau virus, en déclenchant une «tempête de cytokines» qui endommageait l'ensemble des organes, au point de tuer nombre de malades.
On estime que 50 % de la population mondiale fut contaminée (soit à l'époque 1 milliard d'habitants), 60 à 100 millions de personnes en périrent, avec un consensus autour de 60 millions de morts.
Cette grippe se définit en premier lieu par une très forte contagiosité : une personne sur deux contaminée. Elle se définit ensuite par une incubation de 2 à 3 jours, suivie de 3 à 5 jours de symptômes : fièvre, affaiblissement des défenses immunitaires, qui finalement permettent la naissance de complications normalement bénignes, mais ici mortelles dans 3 % des cas, soit 20 fois plus que les grippes «normales». Elle ne fait cependant qu'affaiblir les malades, qui meurent des complications qui en découlent. Sans antibiotiques (pourtant découverts depuis vingt ans par Duchesne, mais reconnus dix ans plus tard et utilisés uniquement au début des années 40), ces complications ne purent pas être freinées.
La mortalité importante était due à une surinfection bronchique bactérienne, ainsi qu'à une pneumonie due au virus. L'atteinte préférentielle d'adultes jeunes pourrait éventuellement s'expliquer par une relative immunisation des personnes plus âgées ayant été contaminées jusque là par un virus proche.
Le virus de 1918
Les caractéristiques génétiques du virus ont pu être établies grâce à la conservation de tissus prélevés au cours d'autopsies récentes sur des cadavres inuits et norvégiens conservés dans le pergélisol (sol gelé des pays nordiques). Ce virus est une grippe H1N1.
- Virus père, souche inconnue : virus de grippe source, à forte contagiosité mais à virulence normale qui, par mutation, donna le virus de la grippe espagnole. Le virus père ne fut identifié et suivi rigoureusement qu'à partir d'avril, et jusqu'à juin 1918, tandis qu'il sévit certainement dès l'hiver 1917-1918 en Chine.
- Virus de la grippe espagnole, souche H1N1 : virus à forte virulence apparemment apparu aux États-Unis et ayant finalement tué plus de 21 millions de personnes à travers le monde ; cette appellation inclut le plus souvent aussi son «virus père». Cette version plus létale sévit en deux vagues meurtrières, l'une de mi-septembre à décembre 1918, l'autre de février à mai 1919. L'ensemble des continents et l'ensemble des populations ont été gravement touchés.
Grâce au travail de plusieurs équipes de chercheurs, surtout américains, il a été en 2004 envisageable pour la première fois de synthétiser artificiellement le virus de 1918 [4].
Conséquences de la grippe espagnole
- Bilan humain
- Sociologiques
- Scientifiques
- Aujourd'hui
Victimes célèbres
- Guillaume Apollinaire, poète français mort le 9 novembre 1918
- Edmond Rostand, dramaturge, écrivain et metteur en scène français
- Egon Schiele, peintre autrichien
- Rodrigues Alves, président du Brésil
- Jœ Hall, joueur d'hockey sur glace anglais
- Mark Sykes (1879-1919), conseiller britannique décédé à Paris pendant les accords de paix (accord Sykes-Picot)
Conclusion
Sur le plan technique, ses caractéristiques pathogènes propres ne sont pas étudiables du fait de l'absence de souche virale, aucun prélèvement n'ayant pu être conservé dans un état suffisamment bon.
C'est par conséquent uniquement en étudiant la famille des grippes, dans leur ensemble, qu'on peut en comprendre ses mécanismes qui se résument à ceci :
- une contagiosité particulièrement forte, induisant un comportement épidémique ou pandémique,
- une variabilité forte, entraînant une virulence variable mais aussi l'inefficacité de l'immunisation d'une année sur l'autre,
- la virulence de cette souche spécifiquement grande (grave affaiblissement), mais aussi
- le fait que, finalement, ce virus ne fait qu'affaiblir les défenses immunitaires, et n'est pas en lui-même source de décès (ce sont les complications qui accompagnent la grippe qui sont mortelles selon le degré d'affaiblissement de l'organisme).
L'absence d'antibiotique (qui n'aurait pas stoppé la maladie virale mais uniquement les complications bactériologiques) fut aussi déterminante.
Enfin, en ce qui concerne les conséquences, l'élément essentiel est la prise de conscience de la menace biologique à l'échelle mondiale, qu'une épidémie débutant en Chine pouvait finalement menacer la population des É. -U. , de l'Europe, et de la totalité des états du monde. Il s'en suivit la création -par la SDN- d'un organisme de Santé et de surveillance médicale mondiale, qui devint plus tard l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Il est aussi à noter, vu le cycle de réapparition des épidémies de grippe mortelle s'espaçant, au maximum constaté, de 39 ans, la dernière datant de 1968, l'OMS prévoit «statistiquement» la naissance d'une pandémie de grippe mortelle d'ici 2010 à 2015. Voilà pourquoi, depuis quelques années, un certain nombre d'études sont soudainement consacrées au virus de la grippe espagnole, certaines visant à en récupérer des souches intactes, tangiblement étudiables, pour permettre l'édification de défenses correctes. Cela explique aussi la mobilisation rapide et enorme, en 2009, pour le début de pandémie de grippe porcine, dite grippe A. La grippe aviaire (H5N1) cristallise ainsi non seulement des risques médicaux tangibles mais également des peurs énormément plus abstraites.
La pandémie de 1918-1919 a été, avec 30 millions de morts selon le consensus le plus souvent admis [5], la première grande pandémie de l'ère moderne. Elle est l'une des plus grandes pandémies humaines, identique en nombre de victimes à celles de la peste et du sida. Ce dernier continue cependant à tuer au-delà des 24 millions de victimes déjà comptabilisées.
Fictions
- Britain and the 1918-19 Influenza Pandemic : A Dark Epilogue, par Niall Johnson. Routledge, London and New York 2006. ISBN 0-415-365600
- La Grippe Coloniale, par Olivier Appollodorus et Serge Huo-Chao-Si, éd. Vents d'Ouest 2003. ISBN 2749300967. Cette Bande dessinée raconte le retour au pays, après la grande guerre, de poilus de la Réunion qui sans le savoir sont atteints de la grippe.
- Edward Cullen, l'un des personnages centraux de la Saga Twilight était mourant de la grippe espagnole en 1918 juste avant de devenir vampire.
- The First Horseman de John Case, où le gourou d'une secte s'empare du corps de mineurs enterrés dans le permafrost d'une île du cercle Arctique, y extrait le virus de la Grippe Espagnole, et par génie génétique le rend plus complexe à détecter par le dispositif immunitaire.
- Contagion, de Robin Cook, Le Livre de Poche 1995, thriller "épidémiologique" où il est question de bioterrorisme, surtout en lien avec la grippe espagnole de 1918.
- ReGenesis, série télévisée canadienne. La grippe espagnole est l'arc scénaristique de la première saison.
Références
- ↑ http ://www. cdc. gov/ncidod/eid/vol12no01/05-0979. htm
- ↑ http ://www. fas. org/programs/ssp/bio/factsheets/H1N1factsheet. html
- ↑ Johnson N. P., Mueller J. «Updating the accounts : global mortality of the 1918-1920 "Spanish" influenza pandemic.», Bull Hist Med., printemps 2002, 76 (1), p. 105-15. Citation : «This paper suggests that it was of the order of 50 million. However, it must be acknowledged that even this vast figure may be substantially lower than the real toll, perhaps as much as 100 percent understated. » Résumé.
- ↑ (fr) Des chercheurs reconstituent le virus de la grippe espagnole de 1918, 21 septembre 2009, Institut de l'information scientifique et technique. Mis en ligne le 21 septembre 2009, consulté le 24 septembre 2009
- ↑ 21 millions selon l'Institut Pasteur, 50 millions selon l'OMS. Le consensus actuel se situe plutôt aux environs de 30 millions. Voir ici.
Liens externes
- (fr) Dossier en français sur la grippe espagnole.
- (fr) Documents de l'Institut Pasteur
- (en) La grippe espagnole, État par État aux USA
- (en) Données historiques, témoignages. Un site bien réalisé de l'administration américaine.
- Deux gros rapports de 1919, particulièrement riches en statistiques (tableaux, graphiques) concernant les taux de morbidité, mortalité, les dates et lieux de début des foyers dans la population militaire des USA lors de la pandémie de 1918, dans la marine et dans l'armée US..
Recherche sur Google Images : |
"une comparaison avec la grippe" L'image ci-contre est extraite du site tecfa.unige.ch Il est possible que cette image soit réduite par rapport à l'originale. Elle est peut-être protégée par des droits d'auteur. Voir l'image en taille réelle (65 x 65 - 6 ko - jpg)Refaire la recherche sur Google Images |
Recherche sur Amazone (livres) : |
Voir la liste des contributeurs.
La version présentée ici à été extraite depuis cette source le 16/11/2009.
Ce texte est disponible sous les termes de la licence de documentation libre GNU (GFDL).
La liste des définitions proposées en tête de page est une sélection parmi les résultats obtenus à l'aide de la commande "define:" de Google.
Cette page fait partie du projet Wikibis.